Heureux après tout ?

 

 

Partager, c'est se détacher un peu prendre de la distance.

 

J’ai été salariée pendant les douze premières années de ma vie professionnelle. Un salaire correct, dans un journal intéressant et valorisant. Et puis, petit à petit, ma situation s’est dégradée : je ne trouvais plus ma place dans cette rédaction et j’ai fini par être licenciée “d’un commun accord”. J’en ai profité pour changer de ville, et de vie. Je touchais une indemnité de chômage. J’ai eu le temps de réfléchir, j’ai décidé de devenir journaliste pigiste, libre et… précaire.

 

Ma vie est devenue de plus en plus intéressante, mes revenus de plus en plus aléatoires. Pour la première fois, j’étais fauchée, voire pauvre ! Curieusement, je n’en ai pas souffert. J’étais passionnée par mon travail, mes rencontres et, du coup, j’avais de moins en moins de besoins. Plus la peine de partir en week-end pour “respirer”, puisque je respirais ! Plus besoin de m’offrir des cadeaux de consolation, puisque je n’avais plus rien dont me consoler. Et plus besoin de déjeuner au restaurant, d’acheter des plats tout faits parce je rentrais tard du bureau, de porter mon linge au pressing…

 

J’ai appris à moins consommer, pratiquement sans m’en rendre compte. J’ai fini par revenir à Paris, dont je m’étais enfuie. J’ai trouvé une chambre de bonne, et un banquier suffisamment confiant pour me prêter de quoi l’acheter – sans revenus fixes, impossible de trouver un logement à louer. J’ai stocké mes affaires chez mes parents et je me suis installée dans cet espace minuscule. Il n’y avait de la place pour rien ; je vivais avec rien. Trois robes, deux pulls, deux paires de chaussures. Et la sensation de m’être délestée.

 

Je n’avais pas un sou, mais je ne manquais de rien d’essentiel. Je n’étais exclue que d’endroits dont je me passais très bien : les restaurants, les magasins, les théâtres, les stations balnéaires. À un moment, les choses se sont arrangées, je gagnais un peu plus d’argent. J’en ai profité pour m’acheter un logement plus grand. Quand j’ai récupéré mes affaires “d’avant”, je me suis demandé ce que j’allais en faire : en cinq ans, elles ne m’avaient jamais manqué… J’ai trié, et beaucoup donné. J’ai profité de ma bonne veine pour “refaire mes stocks” : quelques beaux vêtements solides dont je sais qu’ils dureront longtemps.

 

Depuis, c’est ainsi que je vis : ça va, ça vient. Quand ça va, je pars en vacances, je remplis mes placards, j’offre des cadeaux. Quand ça va moins bien, j’arrête de consommer et j’attends que le travail revienne. Je ne suis jamais inquiète au sujet de l’argent. J’ai appris qu’il est inutile de se ronger les sangs. Je sais que même si mon niveau de vie baisse, je ne perds rien d’important : je l’ai expérimenté déjà plusieurs fois. C’est un luxe et une chance, cela me permet d’utiliser mon énergie à autre chose, sans perdre confiance. »


LE BONHEUR A TOUT PRIX ?

Film: 'Tout pour être heureux'


Impressions - Et vous les bonheurs ?

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